Comment se calcule la retraite française ?

Depuis ce début d’année 2023, la réforme des retraites en France est l’objet de toutes les attentions et de la colère de nombreux opposants au projet.

Pourquoi le sujet de la retraite fait autant débat en France ?

Afin de comprendre les impacts de cette réforme historique, il est important de connaitre les bases du calcul de la retraite en France.

Nous allons voir de manière générale le mode de calcul de la retraite française, notamment dans le cadre des règlements européens applicables à la Suisse.

Les régimes de retraite

En France, les organismes de retraite auxquels un individu cotise dépend de son statut professionnel (salarié du privé, fonctionnaire, libéral) et de l’organisme qui l’emploie (privé, fonction publique d’état, collectivité territoriale).

On dénombre ainsi 42 organismes différents, appelés également régimes de retraite.

Chaque régime a des règles de cotisation et de calcul qui lui sont propres. Un vrai méli-mélo pour celui qui a changé plusieurs fois de situation dans sa carrière !

Age légal

L’âge légal est le premier âge auquel chaque individu ayant cotisé à la retraite en France peut demander à percevoir ses droits à retraite.

Il est actuellement fixé à 62 ans pour la majorité des régimes de retraite.

Les départs avant cet âge sont possibles sous certaines conditions très encadrées, tels que les départs anticipés pour carrière longue qui permettent de partir dès 60 ans (un départ anticipé est également possible dès 58 ans mais les conditions sont difficiles à remplir).

Certaines catégories de fonctionnaires bénéficient également d’un âge légal avancé à 57 ans voire 52 ans.

Un départ à l’âge légal ne garanti pas le service d’une pension pleine. Le critère déterminant sera la durée d’assurance (le nombre de trimestres) acquise à la date de départ de la retraite française.

Le projet de réforme des retraites de 2023 prévoit de repousser l’âge légal à 64 ans. L’évolution sera progressive, à raison de 3 mois supplémentaires par année de naissance, en commençant par ceux nés à compter du 01.09.1961. L’âge légal sera fixé à 64 ans pour ceux nés à compter de 1968.

La durée d’assurance

Tout au long d’une carrière, des trimestres se cumulent en fonction des cotisations versées sur les revenus d’activité.

La validation des trimestres cotisés se fait par année civile, en fonction du revenu cotisant, dans la limite de 4 trimestres par année.

En 2023, il faut 1 690,50 € brut pour valider 1 trimestre, soit 6 762 € pour une année complète.

Depuis 1973, la valeur de référence est le SMIC. Jusqu’en 2013, il faut cotiser sur un revenu équivalent à 200 heures de SMIC pour valider 1 trimestre. Depuis 2014 le revenu de référence est passé à 150 heures de SMIC.

 D’autres situations permettent de valider des trimestres qui vont augmenter la durée d’assurance :

  • Le chômage : 1 trimestre par période de 50 jours d’indemnisation

  • La maladie/maternité/accident du travail : 1 trimestre par période de 60 jours d’indemnisation

  • L’invalidité : 1 trimestre par période de 90 jours

Les enfants permettent également de valider des trimestres qui s’ajouteront à la fin à la durée d’assurance.

Pour le régime général (CNAV ou Carsat), un enfant permet de valider 8 trimestres supplémentaires : 4 trimestres au titre de la maternité et 4 autres pour l’éducation de l’enfant (la période considérée commence à la naissance ou à l’adoption, à raison de 1 trimestre par année).

Si les trimestres de maternité sont logiquement attribués à la mère, les trimestres d’éducation peuvent être répartis entre les parents pour les enfants nés à partir de 2010. Mais attention : la demande doit être faite entre les 4 ans et les 4 ans et demi de l’enfant !

Pour les individus ayant travaillé et cotisé à l’étranger durant leur carrière, comme c’est le cas pour les travailleurs frontaliers, la durée d’assurance acquise durant l’activité à l’étranger pourra être traduite en trimestres pris en compte dans la durée d’assurance (voir plus bas le calcul de la retraite du frontalier).

La durée d’assurance à l’étranger est traduite en trimestres sur la base suivante :

La Suisse indique ses durées en mois, c’est donc la règle des 3 mois pour 1 trimestre qui est appliquée pour les frontaliers ou les résidents suisses.

Il est à noter que la conversion des mois en trimestres est arrondie à l’entier le plus proche. Ainsi, pour 8 mois on retiendra 3 trimestres (8/3 = 2,66 arrondi à 3).

Il ne peut être retenu que 4 trimestres sur une année civile. Les trimestres supplémentaires ne sont pas retenus.

L’année du départ de la retraite française, les trimestres sont limités aux trimestres civils écoulés (par exemple pour un départ de la retraite française au 01.08 on ne retiendra que 2 trimestres cette année).

Le taux plein

Obtenir ses retraites à taux plein signifie avoir ses retraites sans minoration viagère.

Le mode de calcul étant différent selon le régime de retraite, le taux plein appliqué dans le calcul de la retraite diffère d’un régime à l’autre : il est de 50% pour les salariés du privé, 75% pour les retraites des fonctionnaires ou de 100% pour les retraites complémentaires à point.

Dans la plupart des régimes, le taux plein est acquis d’office à 67 ans (salariés du privé, fonction publique sédentaire, régime de base des libéraux).

Il est possible de bénéficier de ses retraites sans minoration entre 62 ans et 67 ans si l’on a atteint une certaine durée d’assurance cumulée à l’ensemble des régimes de retraite français.

Celle-ci dépend de l’année de naissance de l’individu.

Ainsi, pour ceux nés en 1961 il faut avoir cumulé 168 trimestres en tout. A défaut, les retraites subiront une décote viagère.

La durée d’assurance exigée pour avoir le taux plein évolue en fonction de l’année de naissance jusqu’à atteindre 172 trimestres (soit 43 ans) pour ceux nés à partir de 1973 :

Le projet de réforme des retraites de 2023 prévoit d’accélérer le rythme de l’évolution des trimestres exigés pour le taux plein, à raison de 1 trimestre supplémentaire par année de naissance, pour atteindre les 172 trimestres exigés pour l’année 1965.

La décote ou minoration de pension

En cas de départ avant 67 ans, les pensions subissent une minoration viagère, qui dépend soit :

  • Du nombre de trimestres manquants sur la durée d’assurance exigée

  • Du nombre de trimestres manquants pour atteindre l’âge du taux plein (67 ans)

Le plus avantageux est retenu. Par conséquent, la décote maximum possible correspond aux trimestres manquants pour atteindre les 67 ans, soit 20 trimestres.

Le régime général applique une décote de 1,25% par trimestres manquants sur le taux appliqué au calcul de sa retraite.

Ainsi, pour 20 trimestres manquants la décote sera de 25%, soit un taux minoré de 50% * 0,75 => 37,5%.

La retraite complémentaire Agirc-Arrco applique une décote de 1% pour les 12 premiers trimestres manquants, puis de 1,25% pour les suivants. Pour 20 trimestres manquants, la décote sera de 22%, soit un taux minoré appliqué de 78%.

 Le projet de réforme des retraites de 2023 ne remet pas en cause l’âge du taux plein d’office à 67 ans.

Le calcul de la retraite du frontalier et du résident suisse

La Suisse bénéficie des accords européens pour la détermination des droits à retraite.

Cela signifie que la France doit effectuer un double calcul pour déterminer la pension à servir : l’un sans application des accords (on parlera alors du calcul de la pension nationale) et l’autre en application des accords (la retraite communautaire).

Le montant le plus élevé des deux doit être servi.

 Le calcul de la pension nationale s’effectue normalement, sans prise en compte des périodes à l’étranger. La durée d’assurance et donc le taux de la retraite sera déterminé sans tenir compte des périodes travaillées en Suisse.

La pension nationale pour le régime de base est calculée suivant la formule suivante :

 Revenu Annuel Moyen (RAM) * Taux * Durée d’assurance au régime général / Durée d’assurance exigée

 Le RAM correspond à la moyenne des meilleurs revenus cotisés en France, en retenant au maximum 25 années :

  • Les revenus en francs sont convertis en euros et arrondis au centime d’euro le plus proche.

  • Les revenus sont ensuite revalorisés selon les coefficients en vigueur au moment du départ en retraite.

  • Après revalorisation, les revenus les plus élevés sont retenus, à concurrence de 25.

Seules les années avec un revenu ayant permis de valider au moins 1 trimestre sont retenus.

 Le calcul de la pension communautaire s’effectue en considérant les périodes accomplies à l’étranger comme si elles avaient été validées en France.

Le taux sera déterminé en additionnant la durée d’assurance en France avec la durée d’assurance à l’étranger.

La durée d’assurance retenue ne sera plus celle au régime général mais celle accomplie en France et à l’étranger, dans la limite de la durée exigée.

On parle alors de pension théorique.

Seules les périodes à l’étranger sont retenues ! Les revenus cotisés à l’étranger ne sont pas pris en compte pour le calcul du RAM.

Si le nombre d’années à retenir pour le calcul du RAM était autrefois proratisé en fonction des années travaillées en France par rapport à la totalité des périodes France + étranger, ce n’est plus le cas depuis le 01.07.2022.

L’ensemble des périodes travaillées dans les pays partageant les accords européens sont pris en compte pour la durée d’assurance, en s’additionnant aux périodes travaillées en Suisse (Allemagne, Italie, Luxembourg, Portugal, etc.).

Cette pension théorique est ensuite proratisée afin de calculer la part qui revient à chacun des Etats.

Si l’on traduit tout cela, la formule appliquée pour le calcul de la pension communautaire serait :

 RAM * Taux * (Durée d’assurance France + étranger / Durée d’assurance exigée) * (Durée d’assurance au régime général / Durée d’assurance France + étranger)

 Comme nous pouvons l’observer, cela reviendrait à réaliser le calcul suivant :

 RAM * Taux * Durée d’assurance au régime général / Durée d’assurance exigée  

Quelques subtilités dans la détermination des durées d’assurance dans les différentes étapes du calcul peuvent parfois amener à un calcul simplifié non adéquat, cependant ces cas sont rares.

De même, la pension nationale pourrait exceptionnellement s’avérer plus avantageuse selon la typologie de carrière, mais cela reste également à la marge.

 Ainsi, de manière générale la prise en compte des trimestres de carrière à l’étranger et notamment en Suisse permet de se rapprocher voire d’atteindre le taux plein, ou même de bénéficier d’une surcote lors de la prise de la retraite française.

Grâce à la pension communautaire, le travailleur frontalier ou résident étranger ne sera pas pénalisé sur les taux de liquidation appliqués sur ses retraites françaises.

En cas de prise d’une retraite française avant la fin d’activité en Suisse, votre retraite française sera majorée des trimestres travaillés en Suisse depuis la date de prise de retraite française.

Lors de la demande de rente AVS, la Suisse doit le signaler à la France et leur transmettre la carrière totale validée. Le régime général doit alors effectuer un nouveau calcul de la pension communautaire en intégrant les trimestres validés par l’activité supplémentaire en Suisse.

Notre conseil : surveillez bien la réalisation de cette révision de votre pension française suite à la demande de rente AVS. En cas de doutes, n’hésitez pas à contacter nos experts à ce sujet.

Suivant
Suivant

Rente AVS - Les chiffres clés à connaître en 2023